Le coeur volé


Le Cœur volé, explosante fixe.

On ressort de ce spectacle ébloui comme par un feu follet qui nous aurait hypnotisés et guidés à travers un labyrinthe pour mieux nous perdre.
Un incessant feu d’artifice, tel un minotaure qui nous guette, pour un combat qui ne peut plus avoir lieu car il ne peut désormais y avoir ni vainqueur ni vaincu. L’art peut-être a été vaincu aux premiers jours de 1914, la pulsion de faire, de mettre en branle, de rassurer et de gémir à la fois. Alors, de combat, il ne peut être question dans ce dédale des sens.
Le constat est simple, cru et violent. La guerre de 1914-1918 a tué des millions d’hommes, et parmi eux des artistes. Artistes ou non, avec tous ces morts, elle a également massacré un rapport aux Autres, un rapport au Monde en exultant la beauté chaude des canons au détriment des corps et de la finesse. La complexité s’est fait la malle dans un binaire immonde : tuer, survivre.
Face à ce constat terrible où l’Homme a disparu lui aussi, la compagnie Made In Le Spectre sort en ce centenaire de commémoration de la Paix (ce qu’on aurait aimé…) une malle à prodiges, un spectacle digne des forains d’antan, peu avare en éléments magiques et en phénomènes illusionnistes. On a donc un Guillaume Apollinaire qui prend corps et voix sur un ensemble mouvant.
Le surréalisme est pierre fondatrice de notre XX° siècle, assemblant les images et y ajoutant des mots et de la poésie, cette chose morte et sans cesse ressuscitée. Une tentative d’épiphanie communautaire livrée en direct, un casse-gueules sur le fil des rasoirs des mauvaises gens.
Tout débute par Jean Vigo et Philippe Soupault, puis à eux s’agrègent les corps célestes des uns et des autres, toute une époque qui est morte de n’avoir pas vécu pleinement. La caméra filme en direct des scénettes et les projette à travers un filtre, celui du temps qui est passé, celui des émotions trop souvent censurées, minimisées. Les tableaux mouvants se succèdent, la farandole des costumes tourbillonne. Les comédiens se muent en marionnettes, les poupées prennent vie et leurs yeux s’enflamment. On est menacé par des balles de mots, rassurés par des paroles prophétiques car la poésie n’est-elle pas jeu intemporel et machinerie mentale destinée à faire voyager par-delà l’espace et le temps ?
On rencontre, on observe, on ne touche pas. On s’amuse et on a peur, on rugit de ces livres jetés, brûlés, crucifiés. Comme si c’était encore un sacrilège de faire du mal à un livre alors qu’on a accepté d’envoyer à la casse ceux et celles qui avaient noirci les pages et qu’aujourd’hui encore, des hommes meurent dans la mer et sur les routes de l’exil, génération abandonnée, niée. Bagatelles ?
« La Marseillaise » est désaxée à la guitare électrique, en direct, en écho à l’hymne américain molesté par Hendrix contre le conflit au Vietnam. Nous sommes en guerre, ne nous voilons pas la face et les incessants hommages républicains gomment ce que la guerre a d’abject, ce que la guerre détricote du vivre ensemble. Sur fond d’Arc de Triomphe. Mais quel triomphe et quelle victoire ?
Ce cœur volé (titre emprunté à Rimbaud), qui traverse physiquement les corps, les écrans, qui se fait croquer ainsi qu’une pomme vénéneuse pour qu’on puisse retrouver force et goût à la vie, ce cœur, c’est notre humanité, notre lien aux autres, notre capacité à voir et à sentir, à avoir de l’empathie, mot si suave – tellement mieux que « pitié » ou « compassion ». Choc mémoriel dont le bruit doit effacer celui des bombes et des tirs, des terroristes et de nos soldats, malheureusement unis dans la destruction et l’effacement de l’Autre. Piège morbide des armes.
Le spectacle lui aussi s’efface au fur et à mesure qu’il se crée, unique à chaque représentation. Insaisissable, forcément ; fantôme des possibles non advenus.

Sylvaïn Nicolino, Magazine Obsküre, décembre 2018


https://vimeo.com/306922574
Extraits de la captation de la générale du 06/12/2018, Espace Roguet / Toulouse.
Cliquez sur l'image pour voir la vidéo (Vimeo 11 minutes).



Affiches Yéti LCV

J'aimais celle là aussi avec les Voitures / Chaussures
et Notre Dame quelque part... au loin.










Séance de travail à Belbèze, septembre 2018


Séance de travail à Belbèze, août 2018

Présentation publique d'une étape de travail à Urau le 3 mars 2018












Mur de livres, janvier 2018

Visions de chantier, janvier 2018

Une foison d'images, une foule de personnages, de la musique, de la fureur et du bruit
dans le Paris des années 1930. Un grand fatras kaléidoscopique qui donne le vertige. Paris transfiguré sert de décor à une course poursuite à la recherche d'un Cœur Volé... L'enquête se déroule près des ponts, le long des quais, dans des musées,
des soirées mondaines, une usine, sur les Champs-Elysées...
Qui a volé le cœur ?
Le cœur de qui ? Et pourquoi ? Et s'il s'agissait tout simplement du cœur de Paris,
du cœur de la vie elle même, de l'âme des poètes, morts dans le bourbier de la guerre 14-18 ou survivants fantomatiques fuyant les horribles cauchemars qui les hantent.
Quand le réel nous effraie et nous vole nos cœurs l'art demeure notre refuge.

« Lorca, Maiakovski, Desnos, Apollinaire,
 leurs ombres longuement parfument nos matins,
il se fit dans Paris, un silence de neige,
quand Eluard partit rejoindre le cortège. »
Louis Aragon

Bruno Wagner a déniché dans sa boîte aux trésors «  Le cœur volé »
de Philippe Soupault ; trésor qui lui fut offert dans une autre vie…
C'est un scénario destiné à Jean Vigo qui n'eût pas le temps de le monter.
Il est mort en 1934 à l'âge de 29 ans.
Malgré plusieurs tentatives au fil du vingtième siècle, le film ne verra jamais le jour.

L'enquête sera-t-elle résolue par une petite fille aveugle ?

Philippe Soupault, 1920.

(Vous pouvez cliquer  sur les images pour les agrandir)







Témoignage de Philippe Soupault, écrivain.
Extrait de l'émission "14-18". Michel Franssen (1966) - RTBF 10 minutes

temoignage-de-philippe-soupault-ecrivain
( Cliquez sur l'image pour voir le film )

Philippe Soupault et le surréalisme (1982)
2 heures 34 minutes

(Cliquez sur l'image pour voir le film)

4 bouts de morceaux qui ont été utilisés pendant les écritures de plateaux, djARno.





" Work in progress "

Séance de travail : de la formulation à la transcription.

Sur les photos suivantes, un aperçu du processus de création. Tentative de scénographies provisoires, chantier initial...
Une partie des images est créée en direct. 





Sur les images suivantes, entre ombres projetées, silhouettes de personnages et autres doubles fantomatiques, scènes triturant image, musique et texte. Le récit du "Coeur Volé" s'originant dans l'hécatombe de la Grande Guerre, il nous sera sans doute possible
 d'ouïr le joli chant Apollinairien.





Le monde vu à travers les yeux d'une poupée décapitée.
Exorcisme d'une guerre aujourd'hui centenaire par la transfiguration du réel... La manipulation de l'imaginaire.


















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